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Chapitre XXXVII (suite) du roman "Après l'énergie anti-électrique"
- Tu veux dire que les esprits emprisonnés ici ont réussi à entrer en contact avec toi ? Ou les esprits bloqués ont creusé une faille pour redescendre ?
- Je ne crois pas que les esprits emprisonnés étaient en capacité de penser, je les imagine plutôt dans une végétation comparable à un corps sous anesthésie générale. Jamais, avant, un esprit ne restait dans notre atmosphère, il y séjournait parfois. Je crois qu’un esprit privé de corps a besoin de quelque chose, d’une nourriture absente dans notre atmosphère. Qu’ici, emprisonnés, des milliards d’esprits se sont mis en hibernation.
- Alors ?
- Alors, je ne vois qu’une solution : les esprits d’en haut sont parvenus à franchir le rideau et à déposer en moi la formule, car c’était « le bon moment. »
- Le bon moment ?
- En abaissant la durée de nos vies, ils ont sûrement accéléré le processus permettant à un nombre suffisant d’esprit en hibernation de déployer l’énergie nécessaire pour briser ce rideau avec mon étincelle. On peut imaginer qu’il y avait urgence, que le temps d’hibernation maximum arrivait à expiration pour les plus anciens esprits emprisonnés.
- Tu penses donc qu’un esprit peut finalement un jour disparaître ?
- L’esprit est sûrement immortel quand il peut atteindre les espaces où existe ce dont il a besoin. On peut de plus concevoir que l’univers commençait à manquer d’énergie pour poursuivre sa course en avant. Tu sais que selon moi l’avancée de l’univers est réalisée grâce au travail des âmes sans corps, grâce à leur énergie. La mort n’est pas de tout repos. L’au-delà n’est pas un long bain féerique ! Partout, il faut s’activer. Parfois, certains ont le droit de prendre un week-end, de venir nous faire coucou sur la planète bleu de leurs souvenirs plus ou moins heureux. Et tu sais ce qu’il advient d’un univers incapable d’avancer, se développer ?
- Il recule ?
- Pierre, voyons, comment un univers pourrait reculer ! Il régresse, il implose. Dans notre vision des choses, il disparaît.
- Si je te suis bien, en nous privant d’électricité, tu nous as sauvés.
- Si tu parles de « nous », petits vermisseaux agités, oui. Il fallait quelqu’un pour… sauver l’univers !
- Et c’est toi qu’ils ont choisi !
- Les esprits possèdent une connaissance globale mais il leur manque les capacités d’agir. Ils avaient besoin d’un intermédiaire, d’une "petite main". Et j’étais sûrement le plus réceptif. J’ai peut-être été pistonné sans le savoir ! Tu sais combien les esprits regrettent leur corps, si l’on en croit l’écrivain !
- Ah ce Thomas 1er ! Il n’aurait pas écrit que des conneries !
- La plus grande erreur de l’humanité fut de se couper de ses racines. Oui, c’est ce que je vais lui conseiller, à "ton ami Emmanuel" : nous devons retrouver le dialogue avec les âmes bienveillantes. Je sais, la population tournée vers l’intérieur se désintéresse de l’activité économique et plombe la productivité ! Mais nous n’allons quand même pas reprendre la même voie matérialiste.
- Il refusera de te suivre sur cette voie. Sa tradition est totalement matérialiste. L’homme croit en ce qu’il touche, ce qu’il possède, le reste n’est que littérature. « Quand il voit un écrivain, il écrit vingt ans de travaux forcés » comme résumait notre ancêtre dans « le rêve d’un monde figé. » La véritable opposition entre nos familles, finalement, on peut la résumer à une vulgaire lutte pour le pouvoir ou y voir celle entre les spirituels et les matérialistes. C’est un homme fermé à tout ce que tu viens de me transmettre.
- Dans ce cas, qu’il aille au diable.
- J’ai peur que ce soit toi, qu’il envoie au diable Vauvert, si tu commets l’erreur de le solliciter. Il doit d’ailleurs être complètement paniqué et craindre pour sa sécurité. Ce que je comprends.
- Pierre-T, tu m’emmerdes avec ta realpolitik ! J’ai peut-être libéré des milliards d’âmes coincées par nos stupides ancêtres, qui souffraient sans pouvoir nous communiquer leur drame, le nôtre sous peu. Les catastrophes endurées par notre planète depuis ce rideau anti-retour ne te semblent par pires que la fin de l’électricité ?
- Tu es un idéaliste, un intellectuel, un sage Édouard-T ! Et je t’admire pour cela. J’ai juste peur pour toi.
- Merci Pierre mais là, c’est également mon devoir. Et tu sais, même si parfois j’ai ironisé sur notre tribu aux doux dingues avec leur propension à danser dans les allées du pouvoir ou se réfugier dans l’ascétisme en reprenant son « la mort n’est pas ce que l’on nous fait croire », je te le répète, je ne peux pas imaginer avoir créé seul un tel bouleversement cosmique.
- Tu aurais été l’instrument de Dieu !
- Dieu, Dieu, si tu le conçois comme « la somme de tout », ou plutôt « la somme de toutes les énergies », tu auras suivi le cheminement de ma compréhension. Que peut-il me prendre, notre Nabab ? Mon corps ? Il est de toute manière destiné à périr sous peu. Je suis de 45, tu ne l’as pas oublié !
- Mon père aurait eu 60 ans le mois dernier.
- Et tu vas arrêter de te raconter des sornettes. Il a été empoisonné par qui tu sais.
- Nous n’en avons aucune preuve.
- En mille ans, tu les as vus laisser une preuve de leurs assassinats ?
- Je n’ai pas cette idée de famille martyre. Les champignons ne lui réussissaient jamais.
- Tu connais mon avis sur la cueillette des champignons ! Quant à mon esprit, si je ne me trompe, la voie lui est désormais ouverte pour continuer ailleurs. Et je me suis préparé, tout scientifique que je sois.
- Tu le sais bien, nous sommes attachés à notre corps, malgré tout.
- Je le sais mais le jour où tu auras autant de rides que moi, tu auras conscience que le séjour dans ce corps tire à sa fin.
- Ainsi nos lointains ancêtres pourraient revenir ?
- Je ne suis pas certain qu’ils aient des choses à nous confier ! Le Thomas, ça fait quand même 1000 ans qu’il s’est incarné en sportif essoufflé et pamphlétaire censuré. Et Rose en lumineuse fleur foudroyée. Peut-être auront-ils la possibilité de revenir bientôt, vivre une vie plus longue, profiter de leur bon karma. D’ailleurs, au sujet des années… Si je ne suis plus en capacité de continuer, je te transmets le flambeau, avec mission de le confier également à tous ceux en capacité de s’éveiller. Il a fallu des millénaires aux humains pour découvrir les possibilités de l’électricité, je ne crois pas tenir assez longtemps pour découvrir les facultés de notre nouveau contexte. Dis-toi bien que rien, ça n’existe pas. Il y a maintenant autre chose. Il ne faut pas chercher une équation corrective mais comprendre les règles nouvelles. Si je le peux, je l’expliquerai au grand démocrate.
- Tu sais bien qu’il vaut mieux essayer d’apprendre l’alphabet à une huître.
- L’ère de la rivalité doit cesser. 1000 ans, quand même, c’est ridicule ! Il a été réélu. Il doit penser à l’intérêt général.
- Il lui sera facile de te répliquer ne pas y avoir pensé.
- J’ai peut-être joué à l’apprenti sorcier mais ce que j’ai fait, je devais le faire.
- Édouard, mon cher oncle E.T., ne te jette pas dans la gueule du loup.
- Le loup a également une âme. Nous sommes de la même humanité et c’est mon devoir de le convaincre de déposer les armes et s’ouvrir à la beauté du possible.
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