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II
- Monsieur le député, monsieur le député, je suis désolé, je suis désolé…
Il va bien devoir se retourner, sourire, et parler. Il la reconnaît la voix de fausset de l’administrateur général, chevalier des Arts et des Lettres pour avoir pondu trois recueils de poésie affligeante. Comment peut-on avoir cet accent-là ! Mais non, il restera aimable, cordial, poli, surtout pas mesquin. Même avec le pire des lèche-bottes, même quand une inévitable sollicitation s’enchaînera… encore un cousin ou un neveu à soutenir, ou une invitation souhaitée… Ou pire, la sortie du numéro quatre !... Comme c’est désolant, fatiguant… La sensation de rater sa vie l’assaille de nouveau. À quoi bon tout cela, participer à cette mascarade ? N’y a-t-il pas mieux à faire ? Tellement d’obligations finalement qu’à la fin on a la sensation de les payer bien chers ses privilèges. Mais bon, d’un autre côté, comment se laisser déclasser ?...
« Monsieur le député a le blues » va me murmurer le petit Aurélien, si perspicace. Monsieur le député est déconnecté ! Va être éliminé sans même pouvoir se défendre. Oui, c’est évident, je vais disparaître. Ils vont me suicider. Méthode radicale. Il m’avait bien prévenu que cela ne me porterait pas chance d’oser le défier, de lui refuser le plébiscite d’une classe politique unanime, d’une réélection à 100%. C’était un piège, une falsification d’identité, jamais Édouard ne serait venu réaliser une expérience ici. Je me suis laissé entraîner dans cet endroit discret. Éva mon Amour, Jean-Thomas, mon fiston, je donnerais tout pour une vie paisible loin de tout avec vous. Et ces clowns, pourquoi ne se relèvent-ils pas ? Mais oui : ils ont été payés pour représenter le spectacle de ma condamnation ! S’ils le veulent, sous mes applaudissements ! Envie de crier : assez, assez, la comédie a assez duré, laissez-moi tranquille, laissez-moi vivre. Il est désolé le poète, il va m’annoncer devoir exécuter les ordres, me prier de suivre des robots-shérifs.
- Bonjour Monsieur le député, plus rien, plus rien ne fonctionne, plus de réseau, plus d’électricité, plus rien, portes bloquées, commandes bloquées, votre bière du Cantou pas livrée, votre tropézienne, pas livrée. Rien pour monsieur Édouard, rien pour monsieur Aurélien. Je suis désolé monsieur le député.
En se retournant, du haut de ce promontoire, M. le candidat malheureux ne lui accorde pas un regard, les yeux comme aimantés par le pont du Souvenir, le plus majestueux du sud. Les bus, les voitures à l’arrêt, aucun hologramme. Et un avion, un AirMonde G747, 2284 places, il le prend si souvent, plonge, plonge, et s’écrase dans le lac. Un autre, plus modeste, explose au loin, oui, ça doit être sur le Mont Saint Cyr… Encore plus loin, de la fumée envahit le ciel. Toulouse-Aéroport n’est qu’à 100 kilomètres et au-dessus de leurs têtes passe une véritable autoroute aérienne. Cela fait beaucoup pour un jeudi !
Tous, comme paralysés, fixent cette hécatombe, ils sont bien désormais une cinquantaine dans les jardins. D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Que se passe-t-il ? La Grande Russie nous envahit ?
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