priorité supérieure à celles commission de contrôle du Parlement et responsables informatiques

Les quatre enfants de François-Thomas furent assassinés par des Emmanuels. De son vivant, Angèle, à seulement douze ans. Pourquoi ? Par sadisme, par la volonté d’un Président de montrer sa puissance, de lancer un signal sur la reprise du programme d’exterminations.
Cet assassinat démontrait, à ceux qui en doutaient, la mainmise du chef de l’État sur les logiciels de l’ordinateur central, les possibilités de sa priorité supérieure à celles de la commission de contrôle du Parlement et des responsables informatiques, assermentés, chargés de la codification des amendements. Le bus ramenant 56 enfants de leurs vacances de neige a raté un virage, dans une grande descente, un lacet montagneux. Un accident qui déjà ne pouvait plus arriver. Si le bus a raté ce virage, c’est que l’ordre lui en fut donné.
Rendu public, le programme du bus suivait scrupuleusement la route. La commission d’enquête parlementaire conclut, logiquement, à une défaillance technique, la responsabilité totale du constructeur. Naturellement. Personne n’avait le droit de soupçonner publiquement l’homme tout puissant. Il n’existait aucune preuve. Lui seul a pu ajouter une ligne de programme puis la retirer dès le virage traversé. Lui seul a pu effacer toute trace de l’ordre de plonger dans le vide.
En assassinant non seulement cette gamine mais 55 autres enfants du même âge, l’héritier de la dynastie signifiait également : côtoyer cette famille peut susciter des accidents incompréhensibles.
Le machiavélique potentat réussissait même d’une pierre deux coups, d’une instruction deux indignes victoires. Reconnu coupable, le constructeur allemand fut naturellement condamné à dédommager les 56 familles. L’espérance de vie d’enfants de 12 ans alourdissant forcément la note. L’évaluation finale du dommage dépendant de la catégorie des parents, un enfant de riches ou de personnalités ayant toujours valu plus cher qu’un enfant de pauvres, François-Thomas, député, fils de Présidente, fut ainsi le mieux "dédommagé".
L’État, grand gagnant financier, récupérant 50% des sommes globales, suivit avec intérêt le rachat par son concurrent français de l’entreprise allemande mise en faillite (elle fut également condamnée à rappeler pour contrôle l’ensemble de la gamme). Pour une bouchée de pain les robots-constructeurs traversèrent le Rhin et s’installèrent en Lorraine. Cocorico, la France devenait leader mondial du secteur.
La famille des Emmanuels, actionnaire minoritaire du nouveau mastodonte, 29%, bénéficiait de l’envolée de la valorisation boursière pour gagner 8 places au classement Forbes des grandes fortunes mondiales, entrer dans le Top 100.
La réaction de son collègue américain l’a sûrement marqué, car il l’a conservée dans les archives : « Toutes mes félicitations, cher ami. Bienvenue dans le premier cercle. Donald 1er peut s’en retourner dans sa tombe, ce genre de coup de billard à trois bandes, il adorait. Nous avons, vous et moi, 1000 ans d’histoire et je connais votre passion pour ce millénaire, même si nous devons tous nous incliner devant Vladimir. Vous connaissez cette phrase du premier, alors qu’il suscitait tant de réprobations des bonnes âmes : « le ménage que je fais, mes enfants n’auront pas à le faire. Ils n’auront qu’à entretenir la propriété. » Il avait raison, et chez nous aussi fleurissaient des gauchistes, des familles depuis longtemps éteintes, les Kennedy, Clinton, Obama. Au plaisir d’échanger plus longuement, de vive voix, sur toute cette légende où nous devons tenir notre rang. Et bon courage pour la suite. Votre dévoué Donald.
P.S. : la chancelière est furieuse. Je lui ai conseillé un bon remède : manger son chapeau. »
Il convient naturellement de ne pas louper, dès les premiers mots, l’ironie toute Trumpienne, le véritable premier cercle du CMM se limitant aux dix premières places. La chancelière étant allemande.

Puis ce fut Mathieu, alors député du Dordolot, élu deux ans plus tôt face au maire de Brive. Le père de Pierre-Thomas. Un assassinat discret, alimentaire. L’ajout de champignons à des champignons. « J’ai retrouvé la recette utilisée, du poison de champignons. Un dixième de gramme suffit à paralyser un adulte durant une heure, un demi gramme le tue. Cette bague en contient cinq grammes. La boîte notée "sucre ancien" presque trois cents. Pour sauver ta vie, sauver le pays de la barbarie, ce poison te sera sûrement utile. À moins qu’une meilleure solution t’apparaisse. »

François-Thomas tremblait pour ses deux autres fils. Il avait raison. Il a essayé de répliquer mais n’a jamais réussi à approcher l’assassin.

« Je prends sur moi, si j’ai mal compris. L’heure de la loi du talion a sonné et tu es l’homme de la situation mon frère. Tu feras pour le mieux, je le sais. »
Je lui apprenais le « Ferdinand fera ce qu’il doit faire » transmis 35 ans plus tôt. Un sourire de béatitude illumina son visage pourtant émacié.
Je tenais sa main. « Dans leurs cerveaux détraqués, ils ont toujours considéré normal l’assassinat commandité par le fondateur de leur dynastie, qu’il devait rester impuni, inconnu des masses. Ils l’ont toujours défendu. Il aurait agi pour le bien du pays, pour bloquer l’entrée à l’Assemblée d’un perturbateur gauchiste partisan de la pauvreté. Aujourd’hui, seule la descendance de Pierre est fertile. Sur cette pierre, tu bâtiras notre église. »
Je sentais bien qu’elle avait emmagasiné toute l’énergie nécessaire à ses derniers mots. Elle allait partir. Je la remerciais pour cette dernière heure et pour tout. Je lui promettais d’essayer de retrouver, sauver, son mari et sa fille, sans essayer de nous bercer d’illusions. « Jamais l’un des nôtres, tombé dans les griffes d’un Emmanuel, ne s’en est sorti. » Je n’avais aucune idée de l’après. Mais il me faudrait fuir, abandonner son corps à sa voisine, qui fut soudain à mes côtés, se contentant de s’asseoir, d’être là, ne posant aucune question. Ayant sûrement compris qui j’étais. Je tenais sa main. Quand "tout" fut fini, après quelques instants étranges où je me sentais traversé d’ondes, je la remerciais également de sa venue et de tout ce qu’elle avait fait. Puis ajoutais « nous ne nous sommes jamais vus et vous n’avez aperçu personne. » Elle me répondait, me murmurait, « soyez prudent, attendez encore une heure et glissez-vous dans la nuit comme un fantôme. Je ferai tout ce que je peux faire pour qu’elle repose dignement en terre. »

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