et j’ai crié, crié, Staline pour qu’il revienne...

XVIII

Le « comme en 1800 » ne relève nullement de l’exercice de style. Nos connaissances raisonnables nous amènent à concevoir une situation similaire à celle de ces ancêtres, où l’électricité restait à diagnostiquer, dompter. Certes inconnue diffère d’absente mais dans les faits se ressemble. Nous pouvons légitiment et lucidement croire en l’avenir, le 20e siècle étant unanimement considéré comme celui du bonheur même si une mouvance à la méthodologie contestable y situe des goulags, camps d’exterminations, guerres mondiales, famines. Nous ne croyons pas qu’en un siècle aussi paisible, culturel, respectueux des différences, aient pu prospérer des idéologies comme le fascisme et le communisme, dont nous avons d’ailleurs des difficultés à saisir les différences. Il semble évident que ces documents et propos relèvent de l’art romanesque. Staline, Hitler, Mao, Pinochet furent des personnages, des caricatures, œuvres probables d’un même homme, Orwell, dont le dérivé orwelien est resté dans notre vocabulaire. On sent bien qu’il s’agit d’un pseudonyme, fréquent chez les auteurs dits de science-fiction, secteur ayant connu son heure de gloire même si notre vénérable académie l’a toujours considéré mineur. Or le métal, symbole de l’opulence et well, bien en anglais. Un de ses confrères s’était proclamé WarAll, en anglais guerre et tout, un spécialise de la fiction militaire, nous employons encore Warauliens, ou warholien en orthographe affectée. Un autre, Goldman. En anglais Or et homme, auteur de sagas des milliardaires, également auteur de chansons, comme celle reprenant le moustachu d’Orwell « et j’ai crié, crié, Staline pour qu’il revienne », générique de la série « CGT, la Congrégation Géniale des Taliniens. » Quand ma maman fredonnait cette vieillerie, je reprenais immanquablement « et j’ai crié, crié, Aline, beurre mes tartines. » J’ai eu une enfance joyeuse, jusqu’à mes dix ans. Oui, le « grand changement », pour moi, ce ne fut pas la disparition de l’électricité mais celle de mon pépé.
Malgré ce versant de distraction, la culture, la grande culture, constitua le bien suprême de ce siècle. Des noms doivent être retenus, même s’il n’en reste aucune œuvre accessible, ils ont traversé le temps pour atteindre mes oreilles, comme symboles d’excellence littéraire : Milan Kundera, Sacha Guitry, Philippe Roth, Docteur Céline, Marcel Pagnol, Paul Auster, Honoré de Balzac, Lucia Etxebarria, Jean-Paul Dubois, Emilie Zola, Michel Houellebecq, Georges Simenon, Georges Coulonges, Gao Xingjian, Arnaud Desjardins, Jack-Alain Léger, John Irving.
On en ignore la raison mais les femmes, en ces années-là, s’adonnaient peu à l’écriture. La tendance se serait inversée par la suite. Puis les "robots littéraires" ont "tout gâché" en permettant à tous "d’écrire un livre". Il suffisait de raconter sa vie au robot, et il fournissait une version dite littéraire. Tout le monde se mit à publier ses grandes idées et témoignages, la lecture se marginalisa. Nous ignorons en quel siècle la dérive parvint jusqu’à cette impasse. Mais pour nous, les érudits, le vingtième reste celui des Lumières.

De ce siècle de transition entre l’ère industrielle et numérique, nous avons certes répertorié de nombreux vestiges de monuments avec le terme guerre lisible et des dates fréquentes 1914-1918, parfois 1919 et 1939-1944 ou 1945. Nous ne pensons pas qu’il s’agisse du sens originel du terme, de conflits militaires, mais de son acception figurée déjà passée dans le langage courant, celui de mobilisation, de lutte, contre un virus, une épidémie. Durant cet âge paradisiaque, l’espérance de vie atteignait 100 ans comme le rappelle la chanson du fringant vieillard. Mon grand-père a vu des interviews de ces femmes et hommes extraordinaires. L’un de mes illustres disons prédécesseurs, même si j’exagère mon importance, fut également, durant sa jeunesse, Président de la République, la cinquième, nous croyons, un visionnaire politique, un romancier flamboyant, un homme fabuleux, nous espérons un jour retrouver les œuvres de Valère Giscard Clan Destin.
Pour vanter leur qualité de vie, les bienfaits locaux, des villes d’eau, dans leur promotion de cures thermales ou plages, rivalisaient en publications de livres de photos de centenaires autochtones.
Naturellement, les luttes pour les pouvoirs politiques et financiers y causèrent des drames. Mais l’homme non contrôlé nous semble, dans son immense majorité, incapable de vraie sagesse. Depuis la nuit des temps.
Et il y eut bien un moment où le progrès a échappé aux humains. Nous espérons comprendre ce qui s’est passé afin d’éviter les mêmes erreurs.

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