Perrine et Claude, symboles de Valprionde et de Montcuq en QB

Perrine et Claude, ces symboles

J’ai titré « Troublant symbole de Valprionde, commune disparue le 1er janvier 2016. » Personne n’avait vu la possibilité d’approfondir le troublant jusqu’à Montcuq pour dépasser le sens premier des mots. Pourtant, je vous ai laissé le temps, avant de publier cet essai. Tout m’a obligé à voir au-delà de la réalité historique, relative.

Elle était l'avenir de ce village. Elle était revenue sur la terre de sa grand-mère. Pour un projet qui n'aurait sûrement pas reçu l'approbation des directeurs financiers : elle élevait des chèvres... Et vendait des cabécous, le samedi matin, sur le marché de Montaigu-de-Quercy.
Ainsi, durant quelques mois, je l'ai vue presque chaque semaine, parfois on se faisait la bise avec quelques mots, parfois juste un bonjour ou un sourire, suivant son occupation. En mars 2014, elle avait été la plus jeune candidate aux municipales de Valprionde.
Elle souhaitait s'impliquer dans la vie de la commune. Elle souhaitait "faire sa vie ici". Je l'ai connue le 24 février 2014, quand "la deuxième liste" (incomplète) m'avait invité à l'unique réunion publique d'avant municipales. Son enthousiasme, son envie de faire des choses, m'avait touché.
Elle ne fut pas élue, l’ensemble des colistiers du leader Caumon recueillant plus de voix.

Puis elle avait organisé une fête, dans sa ferme, qui aurait pu devenir une fête de village. « Fais ta ferme à Saint Félix », en mai 2014. Je m'y étais naturellement rendu. Elle m'y avait accueilli avec un grand sourire...
Un arrêté municipal présentait des interdictions de stationner. Il fut considéré, sûrement par des gens au mauvais esprit, comme un "arrêté anti Perrine signé Caumon".

Mercredi 13 janvier 2016, en l'église de la paroisse de St Félix, celle où elle fut baptisée, des sanglots dans la voix, une de ses amies prononçait quelques phrases : « Perrine aimait la vie... elle aimait le feu dans la grande cheminée... elle aimait les fleurs des champs... se lever de bonne heure pour aller au marché... »

Nous étions une centaine, des sanglots dans notre silence. Comme tout le monde, sûrement, je n'ai pas compris l'intégralité de cet hommage. Elle était là, sans y être, Perrine. Des cendres dans une urne.
Elle avait été incinérée, à Nîmes, le 8 janvier, à 14 heures.
À cette heure-là, à Valprionde, des mains anonymes avaient sonné les cloches. Sans autorisation ni demande.

Pourquoi, comment, était-elle "arrivée" là-bas ? Car même si elle restait "domiciliée" à St Félix, elle était partie... Nous étions une centaine, des chrétiens, des athées, des agnostiques. Une grande partie de femmes et d'hommes tristes, que le prêtre croisait sûrement pour la première fois. De "7 à 77 ans". De nombreux "jeunes". Père Alexandre Buléa sut s'adresser à tous, avec bonté, en homme également triste, de cette vie fauchée en pleine jeunesse. « C'est normal qu'on soit ému, vous comme moi, car on ne s'habitue pas à la mort. »
Le Père Alexandre sut faire de cette église un espace ouvert, pour toutes et tous, un espace de recueillement.
Il fut le prêtre qui comprend que l'on peut ne pas croire en Dieu mais qu'au moment de la mort, quand la douleur est là, lui, Père Alexandre, modestement, est disponible. Pour accompagner. Sans chercher à profiter de la circonstance pour convertir ou culpabiliser... Il est là pour les gens sincères dans leur douleur.

Il a su reprendre l'aphorisme d'une figure de notre idéal républicain : « on ne voit bien qu'avec le coeur, l'essentiel est invisible aux yeux. » Oui, Antoine de Saint Exupéry.
« Seigneur, nous avons du mal à comprendre que l'on puisse mourir si jeune.
Et qu'une vie soit brisée alors qu'elle commençait à peine à s'épanouir... » Perrine n’avait pas trente ans.

En trois mots, il réglait le sort d'absences peut-être indécentes, dont la présence aurait sûrement été aussi problématique : « quand on est un homme important, il faut prendre des rendez-vous. » Du côté de ceux qui ne jugent pas, il tendait la main. J’avais envoyé un mail à notre « nouveau maire », Alain Lalabarde. J’avais reçu une réponse, signifiant sa représentation par le maire délégué, Patrice Caumon. Il était des absents. Je crois que personne n’aurait souhaité le voir.

« Je vais venir, exceptionnellement », concluait le Père Alexandre et il accompagnait l'urne jusqu'à « sa dernière demeure. » Perrine passait "une dernière fois" sous le vitrail réalisé par Dagrant en 1890, représentant la fuite en Égypte, sur un âne. Dans sa petite ferme "utopique", elle accueillait également un âne. Certains n’en auraient que les oreilles, j’ajoute en 2021 pour essayer, malgré tout, de sourire. Serait-il impossible de "vivre autrement" ? Nous devons encore parfois fuir. Fuir tous les Caumon de la terre, et leurs promoteurs les Bonnemère.



J'ai fixé sa photo... « elle était la vie... elle était... », effleuré l'urne noire posée devant une tombe ouverte, et suis parti. Un regard au loin vers la butte, où depuis 1933 Jean Dumont, le cordonnier né en 1854, repose dans son petit mausolée de libre-penseur, avec inscrit sur sa pierre tombale « Fidèle à mes convictions de libre-penseur, et à ma terre natale, tranquille, j'entre ici dans le néant. »

Rien à dire. Que dire ? Dans ma tête passaient, bizarrement, des extraits de chansons, on est souvent ramené à sa propre histoire, ses influences, « cette gamine-là m'était chère » (Téléphone)
« Les ongles encore accrochés Sur quelques lambeaux de mystère... J'ai vu la vallée dans le brouillard » (Gérard Manset) Oui, une petite fauvette…

Elle était l'avenir de ce village, et nous a quittés à l'heure où la commune disparaissait, annexée à Montcuq. En 2016, elle devait, semble-t-il, rejoindre une école de bergers, en Ariège. Elle serait entrée aux urgences aux premières heures de l'année, suite à une intoxication alimentaire...

Un symbole... Le père Alexandre semble suivre les péripéties locales, il a également su dire, en ce 13 janvier 2016 : « St Félix, de la commune de Valprionde. »

Vendredi 15 janvier 2016, ces mots cognaient en moi au réveil... Je savais qu'il me serait douloureux de les écrire... Penser à "autre chose" ? Mais si je n'écris rien, qui accordera quelques lignes contre l'oubli à cette vie ?...
Que puis-je faire d'autre ? L’histoire, c’est à nous de l’écrire. Et mettre les Maury, Caumon, Lalabarde le nez dans leurs indignités.

Elle ne fut pas la première à ressentir la méfiance... euphémisme... et nous, les "mal accueillis du canton" n'avons pas su mettre en place un mouvement, une association, un endroit, que sais-je, pour permettre un peu plus de "lien social", malgré ceux qui n'en veulent pas. Tout lien social nécessite de la culture. Sinon le compagnonnage dérive en clans, bandes.

Elle s'appelait Perrine, elle n'avait pas 30 ans. Cette gamine-là m'était chère. La première version de ce texte figure sur Internet. Pour ce livre, seules quelques tournures furent revues, et forcément des précisions glissées.



Il existe un article signé Stéphane Ternoise dans la Vie Quercynoise. Publié sans rémunération.

Ce mercredi-là, Claude officiait auprès du prêtre. Nous nous connaissions alors très peu. Nous vivions chacun dans notre coin. Quand en août il constata l’attitude des autres membres de l’association « Montcuq en Quercy Blanc première », il m’a simplement proposé « si tu as besoin de moi, je serai là. » Et grâce à lui, l’accueil des écrivains fut réussi. Puis ensemble nous avons créé une autre association et porté cet événement littéraire pour sa deuxième et sa dernière édition.
Le SMS du dépité député lotois agité, sa promesse de participer à l’édition 2019 nous fit sourire. Même s’il n’y avait eu les indignités municipales, il nous aurait été difficile, sans renforts, d’assumer. Le cœur de Claude s’est arrêté aux dernières heures de la dernière année complète des élus de 2014. Une Saint Sylvestre à ses côtés, avec sa famille. Et le 2 janvier 2020, en l’absence notoire des hauts dignitaires de notre commune, nous l’avons accompagné… Un ancien conseiller municipal, 2008-2014, peut partir sans leur recueillement. Il n’était certes pas né ici !...
Hospitalisé, il a ignoré le départ, quelques semaines plus tôt, de ma mère, enterrée le même jour que son épouse. Claude avait prononcé les derniers mots des discours du dernier salon du livre, ce fut pour moi aussi une manière de le remercier publiquement. Je vous confie un instant sacré : Claude, au téléphone, nous avait accompagnés, nous, sa fille, sa mère et moi, quand la méningite carcinomateuse avait triomphé du corps de ma lumineuse Femme. Il avait prié. Claude savait, sait. En quelques mois, mon Amour, ma Mère, mon Ami sont partis. Vous pouvez donc comprendre pourquoi ma démarche spirituelle s’est amplifiée ces derniers mois. Je donne quelques clés ! Comme si m’accuser de « propos injurieux » pouvait me toucher. Même si le cercle des menteurs associés parvient à perturber certaines de mes journées. Je raconte. Je témoigne. Je mets le nez dans la réalité de ceux qui osent parler de « réussite » de cette fusion. Pourquoi témoigner en sachant l’absence d’effet positif certain à 99,9% ?... J’ai cru ne plus écrire. Mais sûrement que le pommier produit des pommes jusqu’à sa dernière sève.