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Partie XXII du roman "Après l'énergie anti-électrique"
Ce "virus le plus virulent de l'histoire" se transmettait naturellement également entre humains, par le sang, le sperme, la salive et la sueur. Tous masqués. Tous paniqués. Les hôpitaux débordés, les stades transformés en morgues à ciel ouvert, les funérariums et incinérateurs en flux continu. Les employés y tombaient d’ailleurs comme des mouches, il fallut y envoyer l’armée. Tous confinés. L’oligarchie naturellement observait de loin, confinée dans ses palaces. Cette malédiction décima les plus faibles, comme à chaque vague, mais cette fois totalement « les populations inutiles » comme le CMM les surnommait, les vieux et pauvres. Car cette oligarchie respectait ses vieux, sauf exceptions.
La virulence du CODIV19HIW35N12 fut extrême sur les plus de 60 ans. Les « maisons de retraite » se vidaient en quelques heures. Dès que le virus y était entré, tout le monde en sortait dans des sacs. À cette époque l’espérance de vie dépassait encore les 80 ans. Et soudain, un laboratoire, une filiale de « l’organisation des 2% » annonça la découverte d’un vaccin. Son PDG fit la une durant des mois, devenant l’homme le plus populaire de la planète. Il se rendait auprès de malades en phase terminale, sans aucune de ces combinaisons de cosmonautes sous lesquelles le personnel soignant étouffait. Il sauva même des vies en direct, des émissions relayées par tous les médias, administrant le vaccin à des mourants. Un héros, consacré prix Nobel de médecine en octobre. Chaque État reçut au moins 10 000 doses gratuites, à lui de les gérer. La France, 25 000. Et ce vaccin fut facturé à un tarif permettant de « faire le ménage », l’équivalent de 150 années du salaire moyen des « classes laborieuses. » Comme le résumaient des oligarques : « si à 55 ans tu n'as pas les moyens de payer, tu as raté ta vie, tu ne mérites pas de continuer. » Naturellement, officiellement, ce coût se justifiait par la difficulté à le produire, les investissements engagés et les doses offertes.
La retraite décente pour tous à 60 ans, obtenue après des conflits sociaux majeurs, avait exacerbé les tensions. Ce « salaire immérité », considéré « disproportionné par rapport aux faibles cotisations de certains », représentait pour les plus aisés « une provocation socialiste », une charge trop lourde pour la collectivité, l’économie, un frein à la croissance, à la rentabilité, à leur prospérité. « Nous allons vers le sous-développement si nous continuons à entretenir des parasites » fut l’une des phrases passées à la postérité. Ils rappelaient que le vieux principe d’une retraite clopinettes pour tous à 65 ans, avait été instauré par amusement, quand l’espérance de vie des classes laborieuses stagnait à 60 et prônaient un retour à cette logique, une division du montant par six, un âge reculé à 90 ans. Il reste des blancs, des inconnues, nous ne sommes pas encore en mesure de comprendre les étapes suivantes. Certaines zones d’Afrique et d’Asie semblent avoir été épargnées ou s’être protégées en s’isolant du monde. Ou des laboratoires clandestins auraient réussi à reproduire le vaccin. C’était avant les robots dévoués, où une main d’œuvre dite peu qualifiée restait indispensable. Pour conduire les camions, les tondeuses, tracteurs, distribuer des produits divers et variés, servir dans les magasins, surveiller les enfants, enseigner, préparer des repas, construire des maisons et bâtiments divers, les restaurer, les agrandir, réparer les voitures, les fuites d’eau… Il existait même des prisons, et donc des gardiens de prisons. Mais si vers 60 ans, ces gens se prétendaient usés pour une activité intense, d’ailleurs de nombreux jeunes étaient plus productifs, ils continuaient à vivre des décennies, à exiger d’être « soignés comme les riches. » Certains parvenaient même à obtenir une retraite plus longue que leurs années de travail ! Intolérable. Non rentable.
Tout cela m’est apparu, au cours de milliers d’entretiens, quasiment oublié. Parfois des questions éveillaient un vague souvenir de propos entendus. Même parmi mes collègues de la nouvelle Académie. J’étais enfant quand mon grand-père me raconta. Si je meurs sans avoir transmis ces connaissances, ceux qui sont au pouvoir pourront aisément réécrire l’histoire, comme ils s’y emploient. Je redoute de plus en plus l’instant où les portes des « réserves » s’ouvriront. Quelle décision prendront les maîtres du monde ? Maintenir dans l’ignorance les masses offrant tellement d’avantages.
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