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Chapitre XLIX du roman "Après l'énergie anti-électrique"
Avant l’ouverture de la cloche, Ferdinand savait qu’il devrait affronter, sur un plateau d’argent, la tête de Fabienne. Même en respirant profondément des émotions filtrèrent. À la grande joie de l’observateur attentif. Mais il devait puiser au tréfonds de ses entrailles la force de lancer et entretenir un dialogue ; soudain il s’aperçut qu’une partie de son esprit implorait l’aide de Rose. La patience des assassins est toujours limitée. L’attente du sang se lisait dans les yeux et babines du loup.
- Cette mort est inutile et gratuite, elle n’apporte rien à Son Éminence.
- Détrompez-vous mon ami. 38e, vous avez une idée de ce que signifie ce chiffre ? Vous semblez parfois si naïf, vos ancêtres ne vous ont quand même laissé dans l’ignorance ?
- Cela n’apporte ni gloire ni honneur à Sa Majesté. Nos familles doivent s’unir pour le bien du pays.
- Voici mille ans, notre ancêtre nous a adressé un message, de pourchasser, d’écraser, tout insecte possédant une goutte de ce sang métisse. C’est en voyant cette tête, monsieur l’académicien de mes roubignoles, que s’est imposée en moi la certitude d’avoir déjà croisé un pou de cette horrible tribu dégénérée. Vous êtes entré, vous étiez démasqué.
- Nous avons effectivement un air de famille. Surtout au niveau de la tête.
- Notre plus glorieux ancêtre a liquidé quatre verrues, mais il en est resté une ayant réussi à fuir en Espagne. Votre grand-père a essayé de prendre la même route mais il a été trahi pour douze pièces d’or et il finit dans d’horribles douleurs pour avoir refusé d’indiquer où se cachait sa fille, votre mère monsieur. Vous souhaitez les détails de ses tortures ?
- J’aimerais tout savoir de ses derniers instants, et revoir la mer et la montagne.
- Ce serait un plaisir inutile, votre tête n’est pas à sa place. Elle figurera en deuxième sur un grand plateau. Puis viendront le vieux Jean toujours vivant, réfugié dans son manoir, avec ses deux morpions, le mâle comme vous stérile, la femelle ayant transmis son sang impur à une donzelle d’une vingtaine d’années. Vous voyez j’en sais autant que vous. Ça me fera six têtes à présenter au peuple et mille ans plus tard, j’aurais exaucé la prophétie. Et le peuple se prosternera, Hosanna. Notre meilleur dessinateur reproduira ce tableau et dans chaque coin de ce pays, tous recevront le magazine consacré à notre histoire. Les patriotes choisis par Dieu contre les sorciers de Satan.
- Vous croyez en Dieu, désormais, cher maître ?
- Dieu est une idée ayant toujours servi aux monarchies à dompter le peuple. Je m’échauffe inutilement. Juste un point à éclaircir : vous si intelligent, vous ne pouvez quand même pas prétendre ne pas avoir deviné mes intentions ?
- Je les connaissais effectivement. Je savais que vous obtiendriez des confidences de Fabienne en lui promettant la vie sauve mais elle ignorait la modification des signaux de contacts.
- Vous qui avez toujours fui, vous que mes ancêtres ont eu la gentillesse, et la bêtise, de parfois ne plus pourchasser, de ne pas vous liquider quand les puces rendaient toute fuite impossible, vous qui pouviez fuir, pourquoi vous être offert à moi ?
- Car je n’aurai pas d’enfant. Rose-Romane et Rémi-Thomas sont les seuls à pouvoir continuer notre lignée.
- À cette heure-ci, ce n’est déjà plus le cas, j’espère bien. Leur manoir était encerclé, et l’entrée du tunnel, mes hommes allaient la trouver !
- Je suis venu vous proposer un pacte. Vous épargnez les descendants de Pierre-Thomas et les âmes errantes vous laisseront en paix.
- Vous me voyez redouter vos petites amelettes justes capables de cafter le passé dans les oreilles d’une métisse ? À part raconter l’assassinat de l’écrivaillon, depuis 1000 ans, elles ont fait quoi, vos amelettes ? Apparaître dans une église avec un crucifié, danser la salsa du démon, je vous l’accorde. Mais personne n’avait compris le sens de sa phase au pauvre type. Et quoi d’autre ?
- Rose a toujours dansé le slow de l’harmonie et les âmes libérées par Édouard-Thomas ont embarqué l’énergie électrique dans une autre dimension.
- N’importe quoi ! Finissons-en. Va chercher ton sabre mon fils, puisque c’est à toi que revient l’honneur de trancher la 39e tête de nœuds. [le fils sort immédiatement]
- Je pensais être convié au spectacle de la tête de mes cousins retranchés dans leur manoir.
- Vous avez gardé votre sens de l’humour, c’est bien mon ami. Oui, retranchés. Mais je n’ai pas de temps à perdre à supporter votre présence. Votre conversation me fatigue.
- Oh, notre dernier dialogue mériterait de figurer dans le magasine royal.
- Vous plaisantez, c’est admirable. Je garderai de vous le souvenir d’un homme étrange, ayant su rester décontracté quand tant d’hommes dans votre position m’imploraient, s’agenouillaient, mangeaient le cœur de leur fils en me remerciant pour ce succulent repas.
- Il faut garder la tête haute, même quand elle risque de tomber. Les âmes justes sont avec moi.
- Assez, monsieur l’apprenti sorcier, vos amelettes sont des inventions de cerveaux détraqués.
- Vous ne pouvez me prendre que mon corps. Mon âme vous est inaccessible. Et mon corps est tellement vieux, qu’il tombe en lambeaux, je n’ai même plus de dents ni de cheveux.
- Sentant venir le couperet, vous essayez de m’apitoyer cher professeur d’écriture ? Ce n’est pas très stoïchien (sic), vous qui professez cette philosophie. Mais je vais vous dire, en ami, pour la reconnaissance de vos mérites : l’âme n’existe pas. L’homme doit vivre tout ce qu’il peut vivre durant un temps limité, il doit y prendre le plus de plaisirs possibles, fait tout tout ce qu’il lui plaît, il doit jouir de son pouvoir.
- Vous pourriez être le roi ayant retrouvé l’énergie électrique. Édouard a expliqué à votre grand-père la nécessité de reprendre le dialogue avec les âmes errantes. [le fils rentre]
- Qu’en savez-vous, monsieur l’imposteur, le prétendu académicien ? Vos 39 collègues périront sur l’échafaud. Vous êtes tous des complotistes. Vous êtes combien à vous prétendre sortis des cuisines de la Figue du Midi, du Gorafidèle, du Point Capital Express ou de l’Éternel observateur ? Cette académie ne sert à rien, le peuple a besoin de pain et de spectacles, le peuple veut des chaussures et non de la littérature.
- Je vous ai apporté ce document, relatant l’histoire du millénaire, l’histoire de nos familles. Du premier assassinat à ma décision de vous proposer ce pacte, la seule manière pour vous de vivre en paix et de laisser à votre fils adoré un royaume gouvernable.
- Je le lirai avec attention, votre testament, j’en serai l’exécuteur, haha, il me fera sûrement bien rire. Mais désormais vos balivernes Vaudou, vous les réciterez au ciel qui n’existe pas. Fiston, à toi l’honneur, nous écrivons l’Histoire, la vraie, celle des hommes.
- J’aurais aimé connaître votre réaction, cher maître.
- Le roi ne répond pas à la presse amateur, il choisit ses interlocuteurs. Et il tranche, ou fait trancher.
- Majesté, vous condamnez cette planète à l’obscurité, à ne jamais revoir l’électricité, si vous me tranchez la tête.
- Même si c’était vrai, un monde sans électricité est préférable s’il nous débarrasse des sorciers.
- Vous n’avez rien compris à ces mille années de
- Assez !
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