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Système D comme d'écrivains (la chute finale)
Thomas : - Et pourquoi n’ajouterais-je pas refuser d’engraisser un libraire avec une inacceptable remise ? Les visiteurs pensent que leur argent nous revient. Il faut les informer, comment on nous rackette. Si nous c’est droit d’inscription plus déplacement et hébergement à notre charge, merci Jean-Paul.
Jean-Paul : - Ton remerciement me va droit au cœur.
Thomas : - Les édités chez un grand éditeur sont certes en tous frais payés mais ils verront quoi du fric des ventes ?
Françoise : - Tu pêches des convaincus. Oh le lapsus ! C’est mon tour ! J’en suis fière ! Tu prêches des convaincus.
Georges : - D’ailleurs je préfère payer ma place, acheter aux éditeurs pour avoir un peu d’argent en revendant.
Thomas : - Mais pourquoi suis-je le seul à le gueuler bien fort, à chercher une autre solution ?
Françoise : - Hé bien certains tiennent à leur strapontin. Je fais quoi, moi, de mes livres, si je ne vais plus dans les salons ?
Thomas : - On en revient à Internet !
Rémi : - Il finirait par nous convaincre !… Moi aussi je vais arrêter les salons, mais sans annoncer de boycott. Je vais continuer d’écrire mais pour moi. Finalement, l’époque ne mérite sûrement pas que l’on se casse le cul pour lui montrer nos pensées.
Françoise : - Donc, finalement, c’est sûrement toi le sage.
Jean-Paul répète : - Sage, sage, sage.
Françoise : - Ça rime avec courage !
Thomas : - Et naufrage.
Jean-Paul : - Je suis plutôt découragé. Ça fait trois ans que je n’ai pas trouvé d’éditeur.
Thomas : - Ils sont méfiants, ça se comprend !
Jean-Paul : - Détrompe-toi, l’homosexualité est très bien vue dans ce milieu.
Thomas : - L’homosexualité peut-être… Mais le fait que tes six éditeurs soient depuis en faillite ! Le mouton noir ! Le Quercy est un pays d’élevage où le mouton est apprécié du Conseil Régional ! Un mouton noir à cinq pattes !
Rémi, éclate de rire : - Je crois avoir compris !
Jean-Paul : - Oh ! Là tu es de mauvaise foi. Tu sais la qualité de mes oeuvres, je ne vais pas t’égrainer la liste de mes prix et mentions (Thomas sourit). Tu as tort de ne pas participer aux prix littéraires, une nouvelle ou un poème récompensé, ça engendre des articles.
Thomas : - Dans la Dépêche du midi !
Jean-Paul : - Pas seulement. Les revues culturelles recensent souvent les lauréats.
Thomas : - L’ennuyeux avec les prix littéraires, c’est certes de ne pas gagner mais quand tu l’emporte il te faut rencontrer le jury… et tu dois subir la cohorte de frustrés, imbus de leur petit pouvoir, ils veulent être remerciés, un beau discours, sourires…
Jean-Paul : - Ne caricature pas, certains sont charmants, passionnés.
Thomas : - Mais ils te font perdre ton temps.
Françoise : - Tu es vraiment un solitaire ! Un type à peine fréquentable.
Thomas : - Je préfère me consacrer à la littérature qu’au cirque qui l’entoure.
Jean-Paul : - Alors, tu fais quoi à Cahors ?
Thomas : - Tu m’as amicalement invité. Et j’avais espéré un week-end très instructif, me permettant d’écrire un témoignage au titre provisoire « grandeur et misère des écrivains au salon du livre lotois. » Ou finalement « système D, comme d’écrivains. »
Jean-Paul, regarde sa montre : - Allez, tout le monde a fini, on y va. Il faut quand même que je vende quelques acrostiches !
Georges : - On embraye.
Françoise et Georges sortent par la porte chambre.
Rémi : - Je ne sais pas si on les reverra ! Tu montes avec moi, Thomas ?… Tu sais qu’avec moi, il n’y a pas de sous-entendu.
Jean-Paul : - Tu peux prendre cinq minutes pour te coiffer, si tu veux, Thomas.
Thomas : - Les apparences… Les apparences seront forcément contre moi. Si je vends, ce sera vraiment pour le contenu ! Et comme tu le sais, un mauvais livre a besoin d’apparences, un bon exige seulement un peu de patience.
Jean-Paul : - Bon courage.
Thomas prend son sac et sort avec Rémi.
Patrick : - Il est bien cassé ton copain.
Jean-Paul : - C’est un cas un peu spécial, le zozo. Il croit qu’il suffit de publier pour se prétendre écrivain. Il n’a pas encore compris la nécessité de s’inscrire dans une tradition. Si ça t’intéresse vraiment je t’expliquerai.
Patrick : - Tu sais bien que je préfère le cinéma. Et si je débarrasse, ce soir tu m’offres le resto ?
Jean-Paul : - J’aime bien ton idée de débarrasser mais moins la demande d’une contrepartie.
Patrick : - Tant pis, on se fera livrer une pizza… système D, comme Dimanche.
Jean-Paul : - Tu as retenu sa tentative d’humour.
Patrick : - Et pas que cela. Tu pourrais quand même te faire pardonner d’avoir voulu te le taper, le cas spécial ! Je ne suis pas sourd !
Jean-Paul : - Si tu te mets à croire ses divagations, délires d’énergumène ! Allez, on verra… Si je vends bien.
Françoise et Georges reviennent avec leurs sacs.
Jean-Paul : - On y va !
Les auteurs sortent.
Patrick : - Finalement, ils n’ont rien d’extraordinaire ses écrivains. À part qu’ils écrivent des babioles, d’inutiles bouquins. Ils n’ont même pas eu la politesse de m’inclure dans leur conversation, ne savent causer que de leur boutique. Et ils ne tiennent même pas l’alcool.
- Extrait de "Système D comme d'écrivains". Toutes les infos sur la pièce et son édition en avril 2021.
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