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VI a
Des milliers d’avions s’étaient naturellement écrasés, déclenchant, finalement, peu d’incendies majeurs. Même si Londres et Lyon furent "de nouveau" ravagés, validant ainsi, pour les néo-Nietzschéens, la théorie de l’éternel retour. Et des forêts, décimées, forcément. Des nuages de fumées ont recouvert la planète durant plusieurs mois, aggravant encore les troubles respiratoires. Les ascenseurs devaient résister aux attentats (inconnus depuis des générations), constituer des abris inviolables, ils furent des cercueils pour des millions d’usagers. Incassable, même les vitres, l’automobile 100% sécurisée démontra sa fiabilité ; portes bloquées ; aucun risque d’agression, aucune sortie possible sans impulsion électrique. Métros, tramways, navettes, bus, même sanction pour les occupants. Quant à celles et ceux surpris dans leur cabine de décontamination, peu furent secourus assez rapidement. Il suffisait d’ouvrir la porte, de l’extérieur, mais sous trois minutes. Naturellement, aucun robot n’avait répondu aux appels au secours.
Les privilégiés de l’Élysée le comprendraient plus tard : ils furent sauvés grâce aux migraines de leur nouveau Jupiter, coupant régulièrement le système de vie sous air conditionné, liberté chagrinant le service de sécurité et de nombreux accompagnateurs, comme on appelait les employés dans la langue administrative. « L’air impur me réussit mieux » concédait-il aux invités osant remarquer cette incongruité. Comme tout bâtiment de sécurité 1, le palais résistait aux attaques même bactériologiques, ne laissait « absolument rien passer. » Des migraines comme élément fondamental du sort de notre pays !
Le château de Mercuès, parcelle historique de la mégapole de Brive, aux confins d’une zone interdite (communément appelée le cimetière des éoliennes), malgré un rang naturellement inférieur, bénéficiait des mêmes avantages et contraintes, pouvant être réquisitionné à tout instant pour la protection des personnalités indispensables mais également pour « leurs besoins personnels liés à leur activité publique » (ce dont ils ne se privaient guère, l’Administration payant…)
Le choix du lieu de l’expérimentation, le lac de Cahors, releva donc d’une simple raison pratique, la proximité du domaine de réception d’un député, neveu du distingué chercheur. Grâce à cet élu, collectionneur de voitures classées antédiluviennes, les infortunés purent regagner la capitale. Il leur remplit le coffre de bidons d’essence mais préféra ne pas les accompagner… À son épouse il confiait « Nous ne les reverrons jamais. Si par miracle ils atteignent Paris et peuvent rencontrer "sa sainteté le plus futé d’entre nous", il les liquidera. » Elle en fut indignée : « Nous sommes en République Assagie ! On n’assassine plus les opposants, encore moins un prix Nobel ! » Dépité, son fataliste mari l’informait de l’éternelle realpolitik. « Tu avais raison de te tenir éloignée du pouvoir. Derrière les belles paroles, le quotidien reste bien une déchéance déontologique. La France ne peut pas assumer une telle incongruité. Nous sommes toujours considérés responsables et coupables de la catastrophe nucléaire ; je sais, il s’agissait d’attentats sectaires mais en maintenant en activité nos vieilles centrales… et les immenses failles de sécurité… tu sais bien. Le monde ne peut pardonner le cynisme du « la rentabilité exigeait des choix audacieux. » D’autres pratiquaient également ainsi mais c’est chez nous, que le monde a perdu son innocence. Bref, j’ai essayé de les retenir mais Édouard m’a répondu par son devoir. Quand on n’a pas une chance sur mille, se jeter dans la gueule du loup relève du pur héroïsme suicidaire. J’en suis meurtri mais ils sont partis. S’ils entrent à l’Élysée, nous sommes également condamnés. Pour le Nabab Tout Puissant, nous deviendrons des témoins intolérables. Mais surtout il y verra une occasion providentielle, dans son langage, en or. Tu connais notre ancestrale rivalité. Nous avons quelques longueurs d’avance sur nos contemporains, pour essayer de survivre et de sauver nos proches. Nous ne pouvons rien tenter de plus. Le monde va sombrer dans bien pire qu’une guerre civile. Bien plus apocalyptique que les scénarios les plus pessimistes des Néo-Orwelliens. Nul ne peut comprendre ce qui arrive, et tous les repères vont voler en éclat. Courage. Fuyons. D’accord ? »
Éva aurait simplement répondu « autre hypothèse : ton oncle vise le prix Nobel de la mythomanie et toi le Gérard du parano. »
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