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Chapitre LIX (suite et fin) du roman "Après l'énergie anti-électrique"
Je suis sûrement le seul sur cette planète à avoir tout lu de l’oeuvre de Thomas 1er. Car tout, par la suite, fut publié. Même ce qui ne le méritait sûrement pas. Mais j’ai tout lu. Et qu’en ai-je retenu ? J’avais un document intitulé « aphorismes de l’ancêtre. » Mais ma mémoire est un gruyère. Il me faut en retrouver, pourtant.
- Derrière les oreilles d'un âne peut se cacher un mouton.
- Vous avez le droit d'être, pas seulement la possibilité d'avoir.
- On se retrouve forcément en marge quand on refuse les pièges de son époque, quand on cherche l’Essentiel. Ne vous inquiétez pas : dans la marge s’écrivent les notes essentielles.
- Être le gentil toutou des installés permet d'obtenir des récompenses sociales.
- Tellement de bouquins et si peu d’écrivains
- Face aux gangs des menteurs associés, l’homme intègre subira de lourds dommages sociaux. C’est à lui de savoir vivre loin des individus sans scrupules.
- Tellement de glands se prennent pour des chênes qu’il est rassurant de se faire traiter de clown par son député, surtout celui-là.
- Dans la plupart des "petits conflits" du quotidien, professionnels, de voisinage, familiaux, l’intelligence est supplantée par la méchanceté ; et quand nous reconnaissons la méchanceté, nous la fuyons trop lentement.
- Vivre de peu, et même moins, une pauvreté harmonieuse ; dans l’échelle des revenus, au-dessus de "la misère noire", en dessous de la zone où l'on devient sensible aux manipulations créatrices des faux besoins auxquels on s'habitue.
- La mort éloigne de nous trois grands maux, les papiers, l'argent et les désirs.
- La voie de la pauvreté n’a de sens que dans une société d’abondance, quand tout le monde a accès au minimum. Il ne s’agit pas de prôner la misère, la pauvreté absolue, la mendicité, mais de savoir s’arrêter à un seuil de tranquillité où les faux besoins constituent un cercle vicieux de la multiplication des désirs sur lesquels les grands groupes prospèrent.
Cette dernière en réponse au surnom « St François du Quercy. »
J’ai une mémoire exécrable. C’est un Ferdinand qu’il aurait fallu à ma place. Il avait 5 ans en ce temps-là, le fils d’Hélène, et il répétait tout naturellement une phrase entendue un mois plus tôt, même quand le sens planait des années-lumière au-dessus de sa tête. Il était si drôle avec son « je vous ai compris ! » Tous ces gamins, que sont-ils devenus ? Nous qui étions aux affaires, ne pouvons nous exonérer des responsabilités derrière même un statut d’opposant perpétuel. J’ai laissé la société dériver. Édouard n’a ajouté qu’une étincelle, tout était déjà depuis si longtemps souillé, corrompu, perdu.
Son analyse sociale politique la plus audacieuse, la plus fine, visionnaire, fut naturellement récusée, moquée. Quand à une présidentielle, il publia un texte et une vidéo au titre certes provoquant « tous pareils, de longues mains crochues » pour exposer la prédominance de l’avoir, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, en passant par toutes les chapelles plus ou moins socialistes, centristes, libérales, sociales démocrates. Tous pareils et aucun candidat spirituel, de l’être, sa tentative ayant été bloquée par le mode électoral, un système de parrainages par les élus. « Ils ne peuvent pas supprimer le droit de vote donc ils choisissent les candidats. »
Il a ainsi contribué à faire comprendre que ces élus et leurs militants, farouchement opposés dans les médias, se retrouvaient sur 95% des faits, se différenciant simplement sur le nom des bénéficiaires des parts de la grosse galette, le peuple devant se contenter systématiquement du petit gâteau.
Les gouvernements prétendus « d’union nationale », après une « crise majeure », furent les premiers à mettre en application cette convergence d’intérêts puis ce large éventail créa une structure commune, organisée en courants. Naturellement, au fil des siècles il y aurait des fissures, scissions, disputes, trahisons, rabibochages. Et des circonstances où les spirituels étaient appelés à Matignon pour « sortir de l’impasse », ou remportaient la présidentielle. Toujours majoritaires dans la classe politique, « les affairistes » y arrivaient parfois tellement déconsidérés, avec tellement de casseroles, qu’ils prenaient une déculottée, parfois même répercutée aux législatives, néanmoins le plus souvent le Président Thomasien devait cohabiter avec une chambre hostile, l’inverse ne s’étant jamais produit. Même les puces n’avaient pas rendues impossibles les affaires de haut niveau, des ententes sur les prix à la prise en charge par l’État de voyages et autres dépenses privées en passant par la captation d’héritages. Les Emmanuels sont de cette manière devenus les plus gros propriétaires terriens du pays. Ainsi mon arrière-grand-mère Maria-Romane fut la dernière Présidente de notre famille, la mère de François, la grand-mère de Mathieu, Édouard, René et Angèle.
De ses poèmes, mon préféré. Puissé-je le rendre tel qu’il fut : La mort n'est pas ce que l'on nous fait croire.
La mort n'est pas ce que l'on nous fait croire
Même les je-sais-tout croyants ou athées
Ne sont jamais passés de l'autre côté du miroir
On peut au mieux recevoir des miettes de vérité
On ne peut valider que ce que l'on vit
Ne croit pas forcément parce que l'on t'a dit
Sûrement seules de viscérales connexions des vivants
Peuvent perdurer quand l'autre s'éteint sereinement
Si la femme et l'homme unis ne font qu'un
Si l'arrêt du coeur n'est pas l'arrêt du tout
Alors les ressentis du dévasté encore humain
Ne peuvent être rangés au rayon "illusions d'un fou"
La mort n'est pas ce que l'on nous fait croire
Je vous invite à rester attentifs
Même si l'éveil n'évite pas des vagues de désespoir
Et bien des soirs mon regard se voit dubitatif
Ses difficultés quercynoises, comme il les nommait, il les avait exposées dans de nombreux textes, je me souviens d’un court « Nous ne sommes pas nés ici. »
Naturellement il s’agit d’un souvenir, donc une réécriture. Son style, je ne l’ai pas ! Et des noms qui ne méritaient pas d’être retenus, je les ai oubliés. La France des années 2000, nous avions tendance à l’idéaliser mais peut-être comme toutes les époques ont cru au "c’était mieux avant". Certes, cela pouvait difficilement être pire qu’hier.
Nous ne sommes pas nés ici. Je ne suis pas né ici, dans ce département. Mais 900 kilomètres plus haut. Certes en France et avec une peau dite blanche. Donc, oui, ça pourrait être pire, dans leurs regards, leurs attitudes ! Quoique… Certes, ils se proclament parfois « non racistes » mais ça peut signifier : d’ici ou tous « de l’autre race. » Tous dans le même sac ! Il faudrait au moins cinq générations pour être considéré d'ici ! J’ai choisi de vivre dans ce Quercy. Dans une minuscule, ravissante et alors abordable contrée près de Montcuq, au sud de Cahors.
Si j’en avais eu les moyens, j’aurais sûrement rapidement essayé de trouver un endroit aussi paisible et beau mais plus accueillant, plus culturel, plus spirituel, moins borné, moins clanique. Quoiqu’à 25 ans, je ne nourrissais déjà plus guère d’illusions sur le comportement des humains. Mais quand même.
« Le fameux clientélisme », comme le résuma un édito resté célèbre d’un mensuel. Clientélisme dont les racines remonteraient au Pape cadurcien Jean XXII, et naturellement s’est arrêté avec Maurice Faure [sans lien connu avec le Félix des attentats nucléaires] murmurent les prudents.
On se dit que les enfants ne vont quand même pas ressembler aux parents mais certains prétendent, sûrement en caricaturant, qu’à chaque génération les meilleurs s’en vont et les autres perpétuent le provincialisme dans toute son effarante dimension, une mentalité féodale saupoudrée de paternalisme. Sauf exceptions mais avec rarement la force de s’opposer au rouleau compresseur des habitudes, des traditions. Toujours le pratique « il faut bien bouffer » et la crainte des représailles.
Naturellement, aucune envie de les fréquenter, ces notables. Ne pas participer à leurs petites mondanités m’a rapidement semblé préférable. Je souriais des agenouillés sur leur strapontin ! Mais le problème, ce fut l’impossibilité de « faire des choses » un peu publiques, littéraires, dans ce contexte. Tout semblait tellement figé. On m’a même discrètement glissé la nécessité de parfois remettre une enveloppe, offrir un cadeau, et nommer un grand homme Président d’honneur de toute association. Les pauvres devaient payer les riches. J’étais jeune et ce fonctionnement ne correspondait pas à ma vision de la France. J’ai cherché la République, dans ce coin.
Naturellement, ces quercygaulois se détestent, car ne sont pas tous à la droite du grand-chef-du-moment. Même si les frontières entre classes se sont estompées, si des passerelles sont possibles, les puissants savent pouvoir compter sur la serviabilité des soumis. Et tous unis contre les « estrangers. » Sauf naturellement, si vous arrivez avec de l’argent. Le réflexe de s’abaisser devant les riches semble toujours inscrit dans cet atavisme. Ils s’abaissent et méprisent. Quant au sourire quercynois, c’est une attraction touristique, fausse gentillesse destinée à palper un maximum de fric, sur les marchés, dans les commerces, ou comme propriétaire d’un gîte rural.
Certes, les conséquences du vieux système sont tellement manifestes, leur pouvoir en vacille. Mais ils essayent de trouver des boucs émissaires. La ruralité aurait été abandonnée par l’état et le train raté de l’Internet ne proviendrait donc pas de l’incurie locale, départementale et régionale ni de la volonté de maintenir les situations acquises. Plutôt la médiocrité d’ici que l’intelligence venue d’ailleurs. Tout changement représente un risque.
Nous, les « sans ancêtres quercynois » ne sommes pourtant plus minoritaires. Mais nombre d’entre nous, dont les retraités aisés venus chercher un peu moins de pluie et un peu moins de bruit, préfèrent fermer les yeux devant ce provincialisme, ses petits chefs, pour être bien vus, au moins ne pas s’attirer des problèmes. Car les installés sont vindicatifs. Toute critique semble considérée comme une insulte nécessitant une sanction. Le zèle des inféodés désireux de se bien faire voir confine parfois au ridicule, va parfois encore plus loin dans la méchanceté. Et permet au système de perdurer.
C’est bien grâce au manque de courage de celles et ceux indignés par leur comportement, que se maintiennent ces "héritiers". J’ai parfois repris le « n’ayez pas peur » du pape mais sans parvenir à impulser un véritable coup de balai sur les vestiges du « clientélisme lotois. »
Selon ce texte, si mes souvenirs sont exacts, à 15 ans, Thomas ne pouvait pas être l’avant-centre de Mercuès-Cahors car il vivait 900 kilomètres plus haut. Il portait bien un maillot orange, je l’ai vu ! J’ai vu les photos. Mais de quelle équipe ? J’en prends conscience maintenant, après cette réécriture. J’ai des doutes, quel gruyère, ma mémoire. Et vous comptez sur moi pour vous… éclairer ?
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